Entrepreneuriat féminin : des inégalités dans les levées de fonds
L’entrepreneuriat féminin est sous-financé : les start-up fondées par des femmes en France ont 30 % moins de chance de réussir leurs levées de fonds. C’est ce que pointe du doigt l’étude réalisée par le Boston Consulting Group (BCG) et le collectif Sista, qui fustige les inégalités entre les dirigeantes et dirigeants en quête de financement.
Les disparités commencent bien avant l’étape de financement : uniquement 5,4 % des start-up en France ont été fondées par des femmes depuis l’an dernier. Mais elles s’accentuent encore par la suite car seulement 3,8 % des start-up financées par des levées de fonds étaient dirigées par une équipe féminine.
En Europe, selon l’étude “Women in the Digital Age” réalisée par la Commission Européenne, uniquement 16,1 % des entreprises avec au moins une fondatrice ont réussi à se financer via du venture capital (VC). Au Royaume-Uni, par exemple, les entrepreneurs du sexe masculin ont 86 % plus de chances d’obtenir des fonds de la part de VC que les femmes.
De plus, même pour celles qui arrivent à lever des fonds, les montants sont bien moins importants que les levées de fonds effectuées par les start-up dirigés par des hommes. Selon l’étude du BCG, une start-up dirigée par une femme lève 2,5 fois moins de fonds qu’une start-up fondée par un homme. Et leur valorisation en amorçage est 2,6 fois moins importante que celle des hommes.
Un constat contradictoire avec les niveaux de performance
Selon la Commission Européenne, malgré le faible nombre d’entrepreneures, des études ont démontré que les start-up du numérique portées par des femmes ont néanmoins plus de chances de réussir et que les investissements réalisés dans ces start-up sont 63 % plus performants que ceux réalisés dans les start-up portées exclusivement par des hommes.
Les entrepreneures dans le numérique en Europe sont par ailleurs globalement plus satisfaites de leur travail, se sentent plus réalisées et moins stressées que leurs homologues masculins. Elles se paient, néanmoins, des salaires inférieurs.
Comment expliquer ces disparités vis-à-vis de l’entrepreneuriat féminin ?
Idées reçues et stéréotypes liés au genre, contraintes familiales, manque de modèles féminins auxquels s’identifier… les facteurs qui peuvent avoir un impact sur ces disparités sont nombreux.
Des études démontrent notamment que les investisseurs, peu importe leur genre, sont influencés par des stéréotypes. Lors d’une expérience de visionnage de deux vidéos de pitch avec des voix randomisées, 68,3 % des participant-e-s ont déclaré préférer investir dans des projets pitchés par une voix masculine, même si le pitch était identique.
Selon l’étude réalisée par le BCG, cela s’expliquerait aussi en partie par le fait que les fonds soient très masculinisés : seulement 14 % de femmes ont un poste de dirigeant au sein de ces structures. En Europe, seulement 7,4 % des investisseurs ayant investi dans une start-up ou plus sont des femmes. Et les femmes business angels ne représentent que 7,2 % du total.
Aux Etats-Unis, le pourcentage de femmes occupant un poste de direction dans les fonds d’investissement est de 11 % en 2016, selon une étude menée par la National Venture Capital Association et Deloitte. Afin d’alerte sur cette problématique, aux États-Unis, un mouvement de start-up pionnières n’accepte plus que des investissements de la part de fonds avec au moins une femme ou une personne de couleur “ayant l’autorité de signer un chèque”.
Une charte pour accélérer les levées de fonds des entrepreneures
Pour tenter de faire avancer les choses, le collectif Sista, qui promeut l’investissement dans les entreprises dirigées par des femmes, a récemment rédigé et présenté à Bercy une charte de bonnes pratiques à destination des fonds qui investissent dans les jeunes pousses.
Cette charte est une sorte de boîte à outils pour « dépasser les biais inconscients », selon la secrétaire générale de Sista, Valentine de Lasteyrie. Les fonds d’investissement s’y obligent notamment à afficher le montant des investissements faits dans des start-up mixtes ou féminines, ou bien à faire plus de place à des femmes parmi leurs cadres dirigeants.
Engagements exprimés par cette charte à destination des financeurs :
- Mesurer la place du genre dans les portefeuilles
- Adopter des pratiques de recrutement plus inclusives
- Adopter des pratiques d’investissement plus inclusives
- Faire rayonner les bonnes pratiques dans l’écosystème
La finance alternative, une manière de contribuer à la réduction de ces disparités ?
Chez WE DO GOOD, 24% des projets accompagnés depuis 2015 sont portés des femmes soit 21 projets sur 81 projets financés. Ces projets totalisent un financement de 951 000 €, soit 26 % des fonds levés pour l’ensemble des projets.
La finance alternative, et notamment les levées de fonds en royalties, semblent être donc un moyen pertinent pour palier au sous-financement de l’entrepreneuriat féminin. Cela pourrait notamment s’expliquer par le potentiel de démocratisation de l’investissement : les acteurs de la finance alternative sont dans une démarche de pédagogie sur l’accessibilité de l’investissement à tous et à toutes, ce qui peut avoir un impact sur le passage à l’acte par des néophytes.
Par exemple, chez WE DO GOOD, 41 % des personnes ayant investi dans un projet sont des femmes. Elles investissent des montants qui restent inférieurs à ceux investis par les hommes, mais qui représentent des sommes non négligeables : 483 € en moyenne, contre 1 002 €.
Ce n’est sûrement pas LA solution, mais la pédagogie sur l’investissement représente un levier intéressant pour plus de mixité dans les levées de fonds. La démocratisation de l’investissement citoyen peut par ailleurs permettre de financer plus de projets et donner une plus grande place à des projets portés par des femmes. Plus de projets financés, c’est aussi plus de modèles à suivre pour de futures entrepreneures !
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