Pour le décollage du financement participatif

Le 15 novembre dernier s’achevait la consultation publique concernant le financement participatif. WE DO GOOD y a répondu en axant sa réponse sur le financement des projets entrepreneuriaux en phase d’amorçage. Nous demandons d’adapter le cadre du financement participatif aussi pour les levées de fonds modestes (inférieures à 100 000 euros).

crowdfunding

Le financement participatif ne peut plus être pris aujourd’hui comme un simple phénomène de mode, et c’est une bonne chose que les pouvoirs publics s’emparent de ce sujet. Il représente une véritable alternative de financement pour la créativité, l’innovation, et l’entrepreneuriat en France. Cette note traite particulièrement du financement participatif sous forme d’investissement en capital (equity crowdfunding), car c’est l’un des modes de financement les plus prometteurs, pour sa capacité à impliquer et fédérer des personnes autour d’un projet dans la durée, tout en permettant le partage de la valeur créée, à la mesure des risques pris.

Pour entrer dans le vif du sujet, rappelons que pour des opérations de levée de fond importantes, les entreprises ont la possibilité d’émettre leurs titres sur les marchés réglementés, qui sont une forme de financement participatif. Il est peu probable que ce type d’opération soit réalisé sur les plateformes qui émergent actuellement.

Aussi, nous parlons ici du financement des TPE/PME, au moment le plus risqué de leur développement : leur création (capital amorçage). C’est à ce moment de la vie des entreprises que l’intervention du financement participatif est la plus pertinente :

  • pour une innovation intelligente : il permet de tester de nombreuses idées auprès de leur public potentiel pour ne retenir que les plus prometteuses ;
  • pour une mise en oeuvre des idées: il offre une alternative ou une garantie au financement bancaire, par nature en quête de sécurité ;
  • pour l’accès à la création: il permet aux porteurs de projets ne disposant pas d’un capital financier ou d’un réseau social suffisant de se lancer.

C’est à ce moment-là que le financement participatif intervient, non pas en remplacement, mais en complément des autres formes de financement. Or, pour des petites levées de fond (inférieures à 100 000 euros), les réformes envisagées n’apportent aucune amélioration du cadre juridique.

Réactions au nouveau cadre proposé

Concernant la création du statut de Conseiller en Investissement Participatif tel qu’il est actuellement envisagé, l’assouplissement des règles sur le prospectus augmente la possibilité de financer les entreprises, mais seulement dans le sens de levées de fonds plus importantes, en relevant le plafond à 300 000 euros. Pour des levées de fond plus modestes, il n’apporte aucune simplification, et fixe même un cadre peu propice à un vrai développement du financement participatif. En effet, toutes les mesures annoncées peuvent constituer des freins à ce mode de financement, et surtout pour des financements peu importants, notamment :

  • L’obligation pour les plateformes de se conformer aux règles de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est nécessaire dans certains cas, mais c’est oublier que les plateformes proposant d’investir directement en ligne font appel à des prestataires de service de paiement qui ont déjà mis en place ces mesures. Pourquoi alors imposer une double vérification, lourde et coûteuse ?
  • L’obligation de réaliser des due diligences est souvent non pertinente pour des sociétés en phase d’amorçage et financièrement insupportable pour des levées de fonds inférieures à 150 000 euros. Il est nécessaire de définir une cadre de due diligences allégée, sans quoi elles reviendraient à interdire en pratique l’équity crowdfunding pour les petites sociétés.
  • Le fait que le statut de CIP soit exclusif de toute autre activité limite considérablement la liberté de mouvement des plateformes qui opteraient pour ce statut, sans leur donner d’avantage significatif. Cela les obligerait à travailler avec des acteurs historiques non familiers du secteur, ralentissant le développement de celui-ci à un moment où nous ne pouvons nous permettre de prendre du retard. Les services essentiels que pourraient rendre ces plateformes concernent notamment la possibilité de communiquer sur les projets qu’elles soutiennent, ce qui est actuellement limité par les services de placement garanti et non garanti, réservés aux prestataires de services d’investissement.

De plus, ce statut concerne un métier lié à une notion de conseil personnalisé qui n’a plus de sens lorsque l’on s’adresse à des milliers de petits investisseurs, prêts à mettre quelques dizaines ou centaines d’euros dans les projets qui leur tiennent à coeur.

En l’état des discussions, ces mesures limitent le développement du secteur, en n’accordant qu’une marge de manoeuvre relative sur les montants des levées de fonds, dans le sens de montants plus importants, mais pas dans l’autre sens. La nouvelle réglementation ne répond pas de manière pertinente aux besoins de sécurité du financement participatif et va à l’encontre des immenses besoins de simplification du secteur et de financement des initiatives qui émergent un peu partout.

En ce sens, voici les points qui ont été insuffisamment traités ou pris en compte :

Concernant les due dilligences, et considérant qu’en dehors de la vérification de l’honnêteté des porteurs de projets, elles présentent peu d’intérêt pour des projets innovants, l’existence de nombreuses formalités et barrières juridiques lorsque l’on veut réaliser une levée de fonds (ne serait-ce que les formalités liés à la création et modification d’entreprise) garantit déjà l’identité des porteurs de projet pour ce mode de financement, ainsi que les engagements qu’ils ont pris. Il serait possible de se fonder sur ce qui existe déjà en éditant la liste des documents et attestations à publier par le porteur de projet pour la réalisation de sa levée de fonds.

Dans le cadre du financement participatif, le conseil en investissement perd de son sens. Il ne s’agit pas de dire à des personnes où placer leur argent pour qu’il soit relativement sécurisé et rapporte un taux d’intérêt minimum. Il s’agit de leur permettre d’investir directement dans les projets qu’ils aimeraient voir se réaliser, et c’est d’autant plus vrai pour les petits projets. Dans cette optique, la voie à suivre devrait beaucoup plus suivre une logique de responsabilisation que de limitation. Il serait ainsi possible de fixer des règles d’informations renforcées vis à vis des internautes, de la part des plateformes et des porteurs de projet, sur les risques de leur investissement, ainsi que des avertissements sur les montants qu’ils investissent, à l’instar de ce qui se fait dans le secteur des jeux et paris en ligne.

Enfin et surtout, le financement des petits projets reste extrêmement compliqué à mettre en place, alors même que c’est à eux que le financement participatif peut le plus apporter. En cela, un point de blocage doit être traité sur les statuts juridiques et leurs règles particulières :

Les SAS ne peuvent pas faire d’offres de titres financiers à un grand nombre d’investisseurs, et cela même si elles émettent des titres pour un montant normalement exempté de processus. Or, le nombre de créations d’entreprises sous ce statut croît continuellement (19% des créations en 2012, source INSEE), et sont le type d’entreprise demandant un financement limité.

Les SA ou SCA pourraient apporter une solution si leur capital minimum n’était pas aussi élevé. Sur la constitution de société ayant un capital inférieur à 37000 euros, il n’existe aujourd’hui aucune possibilité de faire appel à un grand nombre de petits investisseurs. Les règles de fonctionnement de ces sociétés par actions, relativement strictes, sont aussi une garantie dans la mise en oeuvre du financement. Les conseils d’administration pourraient inclure obligatoirement des représentants des investisseurs ayant utilisé la plateforme.

En résumé, voici les mesures qui pourraient être mises en place :

  • Obligation renforcée d’informations de la part des plateformes et des porteurs de projet sur les projets, documents vérifiables à l’appui ;
  • Obligation renforcée d’information de la part des plateformes sur les risques de l’investissement ;
  • Extension des possibilité d’offres pour les SAS ou abaissement du capital minimum pour les SA.

Conclusion

On a beaucoup parlé de confiance dans l’économie numérique. Il en est question ici, mais on ne peut parler valablement de confiance dans une économie que si on a confiance dans ses acteurs. En l’occurrence, il s’agit des Français prêts à prendre des risques pour réaliser leur projet, et de ceux qui sont prêts à les soutenir. Il faut faire confiance aux Français, en leur capacité de jugement, et en leur intelligence collective.

Bien sûr, la confiance n’annule pas la nécessité d’un cadre adapté pour éviter les débordements, mais ce cadre ne peut être créé au détriment de la création et de l’innovation. Si on donne les moyens aux Français de prendre leurs responsabilités et d’agir en les avertissant dûment des risques, il s’empareront de ces moyens. En ces temps de crise économique, mais aussi sociétale, en ces temps de transition, cela ne peut qu’être bénéfique pour la France et pour les Français.

Au-delà, la concertation doit évidemment être menée au niveau européen, parce que les mêmes problématiques se posent partout en Europe, et pour permettre l’émergence d’acteurs de la finance participative de dimension mondiale.

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