La Tribu : une marque collaborative jusqu’à son financement

En France, les citoyens sont de plus en plus soucieux de rendre leur consommation plus responsable et engagée pour l’Homme, l’animal et l’environnement. Le choix des produits alimentaires joue un rôle important. Les consommateurs peuvent aujourd’hui aller plus loin, en participant à l’élaboration d’une marque, en choisissant ses valeurs, ses produits.
C’est le cas de la marque collaborative de café La Tribu qui implique ses clients et sa communauté sur toutes les dimensions de l’entreprise. 


C’est pour cela que nous sommes très heureux de vous faire part du retour d’expérience de Thibault Lanéry. Le cofondateur de La Tribu, start-up engagée a réussi avec brio une levée de fonds sur WE DO GOOD en 2020.

La Tribu, c’est quoi pour toi ?

La Tribu, c’est une marque participative responsable qui co-crée avec les citoyens, des produits qui ont pour vocation de générer de l’impact de la graine à l’assiette. 
En somme, notre volonté est d’être un pont entre des consommateurs en quête de transparence, de connaissances et des producteurs en quête de lumière. Notre devise, c’est le goût, la traçabilité, l’impact.
Le goût et la traçabilité, nous les garantissons en allant nous-mêmes à la recherche des produits que nous vendons.
L’impact, c’est notre raison d’être. Nous souhaitons générer de l’impact autour de 3 piliers majeurs. Tout d’abord, la protection de l’environnement et notamment des forêts. Cela se traduit par le fait que nos cafés proviennent de l’agroforesterie. Et à chaque kilo de café que nous importons, nous avons décidé de verser une prime à un fond de reforestation. 
Le deuxième pilier, c’est la protection des personnes vulnérables. À la fois les petits producteurs qui doivent survivre dans un marché très fluctuant et très concentré, mais aussi les personnes en situation de handicap qui sont employées chez nous par le biais d’un ESAT (Etablissement et service d’aide par le travail). 
Enfin, la dynamique territoriale forme le troisième pilier. C’est l’échange avec des consommateurs, avec notre communauté et cette création de synergies sur l’ensemble du territoire. 

Les 2 co-fondateurs de La Tribu, Thibault au centre et Julien en bas à droite

Comment ce projet est-il né ? 

La Tribu a démarré d’un projet plutôt orienté média. J’ai découvert l’agroforesterie au Mexique en 2017, dans une finca qui s’appelle la Finca Irlanda. C’est un véritable modèle de réussite sur la pratique biodynamique couplé à une logique de volume : 250 hectares de production de café. Très vite, l’idée est arrivée de faire un documentaire sur l’agroforesterie dans le café.

Au même moment, la marque C’est qui le Patron ?! voit le jour. Je venais de quitter la grande distribution et j’ai trouvé le modèle prodigieux ! Cela prouve bien que les consommateurs étaient à la recherche de quelque chose de différent. 

La Tribu incarne tout nos idéaux, nos passions avec Julien, mon associé : 

  • Le voyage, la rencontre avec ces humains qui produisent des produits merveilleux.
  • La photo et la vidéo parce qu’à la base c’était un projet média.
  • La grande consommation parce que j’ai toujours été dans ce milieu-là. J’ai passé plusieurs années chez Carrefour.
  • Ce sont des enjeux qui nous tiennent à cœur parce que l’alimentation est le sujet et le challenge du siècle au même titre que l’environnement.

D’où vient le nom la Tribu ?

Le nom est arrivé un jour lors d’une rencontre avec une ethnie d’indigènes au Mexique. Nous voulions reprendre ce côté organique, très primaire de la tribu, où le collectif est vraiment mis en avant pour rendre service à l’individu, pour revenir à un esprit plus raisonné et résilient.

La Tribu incarne l’intelligence collective, un groupe de citoyens qui, en fonction de ses moyens, de ses envies, peut participer à la démarche à tous les niveaux (voter, investir, suivre, partager, liker).

Pourquoi ce caractère participatif est-il si important pour vous et comment l’avez-vous intégré à votre modèle ?

Depuis le début, nous travaillons main dans la main avec nos consommateurs. Les 3 piliers sur lesquels repose notre impact ont été intégrés à notre modèle économique suite à une consultation citoyenne en 2018. 

Nous avons interrogé un échantillon assez hétérogène de consommateurs en leur demandant d’imaginer la marque idéale et les produits qu’ils aimeraient acheter. Les graines de quinoa et le café ont été les premiers élus.

La volonté de mettre les consommateurs au cœur de notre modèle s’est prolongée. On les a sollicités pour le packaging. C’est le premier volet de collaboration qui s’est poursuivi par 2 campagnes de crowdfunding.

Quelles sont vos plus grandes fiertés depuis la naissance du projet ?

Honnêtement, ma plus grande fierté sur ce projet, c’est la levée de fonds avec WE DO GOOD, je ne dis pas ça parce qu’on est avec vous. Lever 40 000 euros c’est bien, mais lever 120 000 euros, ce que nous avons réussi à faire en 2020, c’est génial. Cela nous a vraiment permis de valider l’amorçage de cette entreprise alimentaire à impact avec l’assise d’une communauté de citoyens comme investisseurs.

Il y a aussi notre filière café mexicaine dont nous sommes fiers. C’est un sourcing 100% La Tribu. C’est-à-dire que nous sommes allés chercher nous-mêmes les premiers grains au Mexique. 

Donc une entreprise à impact ce n’est pas juste une entreprise qui a une activité à impact mais une entreprise qui intègre l’impact au cœur même de sa structure, c’est ça ?

Oui, tout à fait. Une “entreprise à impact” a une vocation autre que celle de faire du chiffre d’affaires. C’est de protéger les personnes vulnérables, l’environnement, d’avoir un levier sur l’handicap, de sensibiliser. Tout cela, nous l’avons inscrit dans nos statuts : cela fait partie intégrante de l’entreprise.

C’est ce qu’a tenté de faire Emmanuel Faber en inscrivant dans les statuts de Danone que la vocation de l’entreprise est de préserver l’environnement. 

C’est là où c’est prodigieux et que cela devient un moteur pour une économie de la résilience et du changement. Par exemple, dès lors que tu viens ajouter dans les statuts une variable qui permet de compenser le CO2 émis en plantant des arbres de manière automatique, on arrive dans une économie de la résilience, du changement.

Chez La Tribu, quel a été votre parcours de financement ? 

Notre capital est de 2 000 euros et nous avons tout autofinancé depuis le début. 

En 2019, nous avons réalisé une première campagne de crowdfunding avec Ulule. Nous avons ainsi pu lancer notre première production. Cela nous a également servi de tremplin pour aller voir les banques et ainsi, lancer la seconde production. 

En 2020, nous avons levé 120 000 euros sur WE DO GOOD pour accélérer notre développement et élargir notre communauté. 

En quoi le financement participatif apporte de la valeur à une marque collaborative ?

L’aspect collaboratif est au cœur de notre modèle économique. Je connaissais déjà le financement participatif, j’y ai vu un potentiel. Pour moi, un projet se construit par briques en continu et le financement participatif est l’une de ses briques. Nous ne voulions pas créer une énième marque commerciale bio. 

Nous avons pris 2 aspects en compte :

Côté commercial, nous voulions casser cette logique de verticalité qui nous pousse à toujours acheter moins cher, en garantissant goût et traçabilité.

Côté financement, la banque ne te prête pas quand tu es un jeune entrepreneur. Ce que je trouve génial avec le côté participatif, c’est cette possibilité pour les citoyens de court-circuiter les intermédiaires classiques et la logique de concentration et de faire partie d’une expérience entrepreneuriale en investissant dans notre projet. Nous n’avons pas inventé le financement participatif. Par contre, nous avons fait en sorte qu’il soit au cœur de notre modèle, comme un nouveau modèle économique, soutenu par des citoyens et qui génère de l’impact.

Par la suite, nous aimerions vraiment embarquer dans une logique incrémentale des gens qui n’y sont pas sensibilisés ou qui ne connaissent pas ce mot américain du “crowdfunding” pour que tout le monde puisse participer à l’aventure. C’est le challenge que nous nous sommes donné à terme. 

Sur le sujet du financement, est-ce que tu aurais un conseil particulier, par exemple sur comment embarquer des financeurs ? 

Construire briques par briques et commencer par un financement non-dilutif comme les royalties. 

Au début, nous pensions pouvoir obtenir un prêt de la banque. Mais cela s’est avéré compliqué car les banques ne prêtent pas facilement quand il s’agit d’acheter des matières premières. Lorsque nous nous sommes fait incuber au Planetic Lab, au Palais de la Bourse, nous avons eu la chance d’avoir 2 mentors incroyables. Parmi eux, l’entrepreneur Benjamin d’Hardemare qui nous a expliqué comment fonctionne un banquier et comment embarquer des financeurs. En fait, une banque n’avance pas seule, aucun financeur n’avance seul.

Il faut convaincre des Business Angels ou faire appel à la love money pour prouver que le modèle fonctionne. 

Les royalties sont vraiment un super mode de financement. Cela nous a permis de ne pas diluer notre capital. C’était pour nous un mix entre du love money et des gens qu’on ne connaît pas. Nous avons pu gérer ces investissements et notre communication plus facilement en passant par la plateforme et cela sans se retrouver à travailler pour ses actionnaires dans 5 ans.

Pour résumer, il y a des étapes à suivre avec des effets de levier entre chaque financement. Une levée de fonds en royalties peut permettre de faire effet de levier pour aller chercher d’autres financements notamment auprès des banques et des Business Angels.

De façon plus globale, est-ce que tu aurais un conseil pour quelqu’un qui serait au tout début de son projet ?

Financièrement parlant, je conseillerais d’attendre le moment opportun dans sa vie personnelle. Il faut avoir les ressources pour prendre le temps d’étudier la faisabilité du projet. Notamment car on n’est pas en mesure de se rémunérer tout de suite. Au début, nous étions un peu perdus sur le chemin à prendre. Nous avons pivoté à plusieurs reprises. Dans l’entreprenariat, on cultive le mythe de l’entreprise qui explose. La réalité statistique est différente. Beaucoup d’entreprises bataillent énormément pour atteindre la prospérité au bout de 6-7 ans. Nous nous y attendions forcément mais c’est parfois un peu frustrant. Même si tout le monde te dit que ton projet est génial, la conversion prend du temps.

Avoir une vision claire de son projet permet de savoir là où on veut aller. Ensuite, il faut fonctionner par hypothèses et les tester. Au début, on a eu tendance à s’inventer des obligations (administratif, concours,…) qui sont très consommatrices de temps alors que le plus important était l’opérationnel. 

Anticiper pour tout. Tout d’abord, parler de son projet à tout le monde, tout le temps. Le vendre avant même qu’il ait commencé, pour le tester. C’est aussi préparer sa campagne de crowdfunding. Pour cela, il faut adopter une certaine méthodologie de communication et multiplier les actions pour se rendre visible (par exemple utiliser la presse…). Il faut vraiment être très méthodique. Je dirais même que c’est une science de lancer des campagnes de crowdfunding ! 

Quelles sont les prochaines étapes pour La Tribu ? Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter ?

Aujourd’hui, nous souhaitons développer nos gammes et étendre notre réseau de distribution. Présents dans 160 magasins, on en vise 300 à la fin de l’année. Nous travaillons actuellement avec 2 filières au Pérou et au Mexique. Et nous sommes en train d’en ouvrir 2 autres en Colombie et au Guatemala. 

Les délicieux cafés de La Tribu

Nous aimerions également lancer de nouveaux produits; les tablettes de chocolat sont sur le devant de la scène. 

Un autre aspect sur lequel nous aimerions vraiment nous focaliser, c’est la continuité d’une construction de relations encore plus importantes avec notre communauté. Nous souhaitons aller toujours plus loin dans cette démarche de marque collaborative ! 

Pour en savoir plus sur La Tribu, Thibault vous donne rendez-vous sur leur site : www.la-tribu.co/

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